En 2023, le Rwanda se classe en tête des pays exportateurs mondiaux de coltan, reléguant ainsi la République démocratique du Congo (RDC) en seconde position. Alors que certains applaudissent cette réussite, d’autres expriment des inquiétudes quant aux conséquences de cet exploit.

Premier pays producteur de coltan en Afrique

Le coltan est un minerai précieux et stratégique indispensable dans les industries électroniques. Historiquement, la RDC en est le principal producteur mondial. Cependant, en raison d’une augmentation de la production et des exportations, le Rwanda se hisse à la tête du classement en 2023. Ces deux pays ont successivement occupé la place de premier exportateur mondial de ce minerai. Néanmoins, sur une période de 10 ans, les chiffres montrent que la RDC reste le principal producteur avec 17 330 tonnes, tandis que le Rwanda en exporte 15 374 tonnes.

Concurrence entre le Rwanda et la RDC

C’est la cinquième fois en une décennie que les volumes d’exportation de coltan du Rwanda dépassent ceux de la RDC. Ces occurrences se sont produites en 2014 avec un pic de 2 302 tonnes, puis en 2015, 2017 et 2019, avec des valeurs inférieures à 2 000 tonnes. Tandis que la RDC atteint son apogée en 2022, avec 2 466 tonnes exportées. De 2014 à 2023, les recettes d’exportation de coltan des deux pays atteignent 32 702 tonnes. En 2023, les exportations congolaises se chiffrent à 1 918 tonnes, contre  2 070 tonnes exportées par le Rwanda.

Impact de l’exportation du coltan sur l’économie

Le coltan est une ressource minière hautement prisée à l’échelle mondiale et dont l’approvisionnement est restreint. Cette filière représente une source de revenus cruciale pour le pays. Le fait que le Rwanda en est désormais le premier exportateur au monde renforce sa position sur le marché international des minéraux. Cette position privilégiée attire des investissements directs étrangers (IDE), en particulier dans les domaines de l’exploitation minière et de la transformation.

La hausse des exportations de coltan contribue à l’amélioration de la balance commerciale du Rwanda. Ce produit participe à la réalisation de son objectif de générer 1,5 milliard USD de recettes annuelles d’exportation de minerai. L’augmentation des recettes a un impact positif sur le PIB du pays, stimulant ainsi la croissance économique du Rwanda. De plus, l’exploitation du coltan devrait stimuler la création d’emplois dans les zones minières, ce qui contribuera à améliorer les conditions de vie des communautés locales.

Préoccupations sur la filière Coltan au Rwanda

L’exportation du coltan suscite des préoccupations légitimes. En dépit de son apport significatif à l’économie rwandaise, cette activité engendre également des répercussions sociales et environnementales majeures.

Certains experts mettent en lumière le fait que le succès du Rwanda dans ce domaine pourrait découler de pratiques commerciales agressives, voire de partenariats commerciaux controversés. Les inquiétudes concernent notamment l’exploitation des travailleurs et les conséquences environnementales de l’extraction minière intensive dans le pays.

Coltans d’origine congolaise exportés

D’après le rapport publié en mars 2022 par l’ENACT, intitulé « Mining and illicit trading of coltan in the Democratic Republic of Congo », une enquête des Nations Unies révèle qu’une partie des exportations de coltan du Rwanda provient de la RDC. Cette constatation critique le Rwanda pour son implication dans l’exploitation illégale du coltan de son pays voisin. Le manque de traçabilité et la persistance de la contrebande aux frontières des deux pays soulèvent des questions sur l’éthique de l’origine du coltan au Rwanda. Cela souligne les défis de gouvernance des ressources naturelles et la responsabilité des entreprises internationales.

Le Rwanda nie fermement ces allégations. Cependant, le président Paul Kagame reconnaît que son pays mise sur la transformation des minerais en provenance de ses pays voisins. Laissant sous-entendre que le coltan en provenance de l’est de la RDC n’est pas une exception. Selon le document, Kigali n’impose pas de taxes sur les exportations de ce minerai.

De plus, l’État autoriserait la requalification des marchandises importées en tant que « made in Rwanda », à condition de  subir une transformation dans le pays avec une valeur ajoutée d’au moins 30 %. L’ENACT en conclut que la majeure partie du minerai exporté du Rwanda est probablement d’origine congolaise.

Efforts gouvernementaux pour améliorer la traçabilité

Le Rwanda soutient que ce succès découle d’investissements stratégiques dans le secteur minier et d’une gestion efficace des ressources naturelles. Le pays établit des normes strictes en matière d’exploitation minière responsable et de traçabilité des minerais. Dans cette optique, le gouvernement signe un accord de coopération pour l’exploitation des minerais avec l’Union européenne le 19 février 2024. Ce protocole concerne notamment les matières premières critiques telles que le tantale, le tungstène, l’étain et l’or.

Cette initiative vise à améliorer la traçabilité des minéraux et à renforcer la lutte contre le trafic. La Commission européenne justifie également ce choix en évoquant « l’État de droit » qui prévaut au Rwanda. Il reste à voir comment le pays continuera à gérer cette ressource précieuse et quelles seront ses répercussions économiques et sociales. Les experts estiment que la RDC et le Rwanda devraient résoudre leurs différends par le biais de solutions économiques.