Face à l’urgence climatique croissante, les appels à une refonte de l’architecture financière mondiale, mieux adaptée au climat, s’intensifient progressivement. Outre la transition énergétique mondiale, de nombreux États vulnérables font également face à des difficultés économiques liées à la dette et à la pauvreté.
Inégalités climatiques : Impact disproportionné
L’empreinte carbone de l’Afrique ne représente que 3,8 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), tandis que le Nord global est responsable de 90 %. Paradoxalement, le continent africain subit fortement les effets néfastes du changement climatique. Ces dernières années, des cyclones dévastateurs ont touché la région australe et des inondations ont affecté la région Ouest. La corne de l’Afrique est également confrontée à une longue période de sécheresse.
Outre les dommages matériels, ces catastrophes entraînent des pénuries alimentaires et en eau. Cette situation est particulièrement préoccupante pour un continent dont l’économie dépend largement de l’agriculture et de l’élevage. Le dérèglement climatique a également des répercussions sociales telles que la déscolarisation des enfants et le mariage précoce.
Implications des fonds climatiques
D’après le Global Center on Adaptation (GCA), la résilience climatique en Afrique requiert un investissement estimé à 80 millions GBP, soit 100 milliards USD par an jusqu’en 2035. Cependant, le continent ne reçoit que 3 % du financement climatique mondial, dont 14 % proviennent du secteur privé, selon la Banque africaine de développement (BAD). Cette insuffisance de fonds pour l’adaptation climatique pourrait entraîner une perte allant jusqu’à 4,8 milliards GBP ou 6,06 milliards USD de profit au cours de la prochaine décennie.
Face à ce déficit, les pays africains se trouvent confrontés à un dilemme entre la résilience climatique, la lutte contre la pauvreté et le remboursement de leurs dettes. Selon le président du GCA et ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, « Aucun pays ne devrait être contraint de choisir entre l’éradication de la pauvreté, la construction de la résilience climatique et l’honneur de ses dettes, mais c’est ce qui se passe actuellement ».
Par ailleurs, les financements du développement mondial à destination de l’Afrique sont en diminution. Les flux d’aide publique au développement bilatéral (APD) des pays membres du Comité d’aide au développement de l’OCDE vers l’Afrique se sont élevés à 34 milliards USD en 2022. Cela représente une baisse de 7,4 % par rapport à l’année précédente.
Nouvelle architecture financière mondiale
Le premier sommet africain sur le climat explore la possibilité d’introduire une redevance carbone comme source de financement pour la résilience climatique. Cependant, les hauts dignitaires expriment des réserves quant à la responsabilité historique des émissions de carbone. Par conséquent, l’exploration d’autres options de financement est recommandée pour les pays africains.
En plus des taxes carbone mondiales, une réforme financière comprenant un allégement de la dette africaine est envisagée comme une alternative viable pour mobiliser des financements supplémentaires pour lutter contre le changement climatique. De nombreux pays luttent pour équilibrer les besoins en développement, en éducation et en santé avec les efforts climatiques. Les dettes exacerbent cette situation, comme illustré dans le panorama de la crise de la dette en Afrique du Sud.
Collaboration avec les Banques Multilatérales de Développement
Les pays développés et les institutions financières mondiales, notamment les 550 membres de l’Alliance financière de Glasgow pour le zéro net, devraient accroître leur financement concessionnel. La « Feuille de route pour l’évolution » de la Banque mondiale, une initiative visant à améliorer les banques multilatérales de développement (BMD), devrait également mettre l’accent sur le Fonds vert. Sa subvention permet ainsi de soutenir les pays en développement dans l’atteinte de leurs objectifs de développement, y compris la lutte contre le changement climatique et l’amélioration de l’accès à l’énergie.
Des investissements importants devraient être orientés vers la transition écologique. Une attention particulière doit être accordée à l’extension de l’accès des pays vulnérables au climat aux énergies renouvelables. Les gouvernements africains pourraient lancer des programmes régionaux pour exploiter leurs ressources naturelles en vue de produire une énergie propre. L’Association internationale de développement (IDA), une entité de prêts concessionnels de la Banque mondiale, est un outil crucial pour soutenir l’Afrique. Cette association constitue déjà la principale source de financement concessionnel pour le continent, les pays africains représentant 75 % des engagements.
Cop28 : Accord du fonds pertes et dommages
L’accord du Fonds « perte et dommages » constitue également une option de financement pour l’adaptation climatique. Cette initiative, introduite lors de la COP 27 en Égypte et mise en place à la suite d’un vote lors de la COP 28 aux Émirats Arabes Unis, remonte à plus de 30 ans. Elle aboutit à l’offre d’une compensation financière par le fonds aux pays vulnérables affectés par les changements climatiques.
Cependant, la déclaration finale manque d’un chiffrage plus concret du montant à atteindre. Les promesses de financement s’élèvent à 655 millions USD, soit 1 000 fois moins que les 580 milliards USD annuels nécessaires d’ici 2030.
En parallèle, la mise en place du réseau de Santiago, une infrastructure d’assistance technique pour les pays vulnérables, progresse et sera opérationnelle dès 2024. Ce réseau permet aux États de soumettre des demandes d’appui pour évaluer les pertes et dommages, précédant ainsi la demande de financement auprès du fonds.
En attendant les pourparlers sur les solutions climatiques, les organisations agricoles explorent également des méthodes alternatives. L’AICCRA et l’Institut international de recherche sur l’élevage enseignent des techniques agricoles résilientes pour améliorer la productivité, aidant ainsi les agriculteurs à faire face aux dérèglements climatiques.