Les notations de crédit souveraines peuvent avoir un impact majeur sur les flux de capitaux et le coût des emprunts pour les gouvernements. Une agence de notation de crédit indépendante en Afrique pourrait mieux évaluer les indicateurs économiques et le risque de crédit dans la région, affirment les partisans de cette initiative.
Proposition de création d’une nouvelle agence de notation de crédit africaine
L’Union africaine envisage de créer une nouvelle agence de notation de crédit, qui selon elle, pourrait fournir des évaluations plus précises aux gouvernements sur les risques financiers.
La proposition de création d’une nouvelle agence, l’Agence africaine de notation de crédit (ACRA), a été présentée dans un récent rapport de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique. Ce document affirme que les principales sociétés de notation de crédit d’aujourd’hui commettent « des erreurs significatives dans leurs notations ».
Les notations erronées, selon le rapport, sont souvent basées sur des évaluations étroites qui ne prennent pas en compte les indicateurs économiques positifs et peuvent avoir un impact sur les flux de capitaux dans la région.
« Il est envisagé que l’ACRA fournisse des avis équilibrés et complets sur les instruments de crédit africains afin de soutenir un accès abordable aux capitaux et le développement des marchés financiers nationaux », indique le rapport.
Notations de crédit souverain
Les notations de crédit souverain, qui constituent des jugements indépendants sur la solvabilité d’un gouvernement, sont particulièrement importantes pour les pays avec une croissance économique importante. En effet, le coût de l’emprunt peut influencer la capacité d’un gouvernement à tout financer, des programmes d’infrastructure aux services de santé.
Les agences de notation prennent en compte un certain nombre de facteurs lorsqu’elles évaluent le niveau de risque associé au prêt d’argent à un gouvernement. Ces indicateurs comprennent, entre autres :
- Le niveau de la dette publique
- Le revenu par habitant
- La croissance du PIB
- La stabilité des institutions financières
- L’inflation et l’historique des défauts de paiement
Actuellement, trois agences sont considérées comme les plus importantes : Fitch Ratings, Moody’s Services et S&P Global Ratings. Les échelles de notation diffèrent d’une structure à l’autre, mais les trois principales agences utilisent des échelles alphabétiques, AAA étant le niveau le plus élevé et C ou D le niveau le plus bas. Les plus, les moins et les nombres sont également utilisés pour désigner les sous-niveaux de solvabilité.
Agence de notation de Crédit : Évaluations négatives parfois contestées
Le rapport de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique révèle qu’au cours du premier semestre 2023, les principales agences de notation ont rendu 13 décisions négatives à l’encontre de 11 pays africains.
Les évaluations négatives comprenaient des dégradations de notation et des analyses de perspectives négatives. « Ces évolutions ont renversé l’optimisme des investisseurs sur les marchés financiers internationaux selon lequel les pays africains se remettent des chocs économiques dévastateurs du Covid-19 », indique le rapport.
Cas du Nigéria : Manque d’appréciation du contexte économique local
En janvier, par exemple, l’une des principales agences de notation de crédit a abaissé la note du gouvernement nigérian de B3 à CAA1. Cette décision, a indiqué l’agence, était due à des pressions « budgétaires de grande envergure » et aux « faiblesses institutionnelles et défis sociaux » du pays.
Le Nigeria a toutefois contesté cette décision, ce qui a entraîné une baisse de la valeur des obligations d’État nigérianes. « De l’avis du gouvernement fédéral du Nigeria, en procédant à l’abaissement de la note du gouvernement après des engagements rigoureux sur tous les efforts entrepris par le gouvernement pour stabiliser l’économie, cela confirme que l’agence de notation n’a pas une pleine appréciation de l’environnement intérieur du pays dans le contexte actuel et le contexte de l’économie politique internationale », note le rapport de l’ONU.
ACRA : Lancement prévu en 2024
L’ACRA, qui devrait être lancée en 2024, pourrait fournir des notations de crédit et des évaluations des perspectives économiques plus précises. Cela rendrait les emprunts moins chers pour les gouvernements africains. En avril 2023, une étude du Programme des Nations Unies pour le développement révèle que les pays africains pourraient économiser près de 75 milliards USD si les notations de crédit étaient basées sur des évaluations moins subjectives.
Ces économies permettraient aux gouvernements de « rembourser le principal de leur dette intérieure et extérieure et de libérer des fonds pour investir dans le capital humain et le développement des infrastructures », indique le rapport.
La création d’une agence africaine de notation de crédit a également été évoquée lors d’un rassemblement de ministres africains et d’acteurs du développement lors des réunions de printemps 2023 de la Banque mondiale et du FMI.
« Nous sommes au cœur d’une polycrise et les gouvernements africains sont aux prises avec une pénurie de financement du développement », a déclaré Ahunna Eziakonwa, sous-secrétaire générale de l’ONU et directrice régionale du PNUD pour l’Afrique, dans un communiqué. « Nous avons besoin de toute urgence de plus d’équité et de justice dans la façon dont nous concevons les agences multilatérales. Nous devons encourager les peuples africains à répondre à leurs aspirations en matière de développement et à mettre en place un système dans lequel le risque peut être évalué équitablement ».