Les économies africaines traversent une période charnière, marquée par une succession de crises mondiales qui aggravent leurs vulnérabilités structurelles. Dans ce contexte, le continent cherche des solutions pour renforcer sa résilience et stimuler une croissance durable. Le rapport 2024 de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) met en lumière les principaux défis auxquels l’Afrique est confrontée. Cette feuille de route préconise aussi les leviers permettant d’améliorer sa stabilité économique.
Six vulnérabilités majeures à surveiller
Le rapport identifie six principales vulnérabilités qui entravent le développement économique du continent. Ces facteurs interconnectés affaiblissent les bases économiques et rendent les pays africains plus exposés aux chocs externes.
L’instabilité politique
Les tensions politiques fragilisent les institutions et n’encouragent pas les investisseurs. En parallèle, les crises mondiales ont des répercussions indirectes, mais profondes. Actuellement, le manque d’approvisionnement mondial en blé, impacte les pays africains dépendants des importations céréalières.
Distorsion économique et endettement
La dette extérieure des pays africains constitue un autre facteur de fragilité. Près de la moitié des pays africains affichent un ratio dette-PIB supérieur à 60 %. Cette situation limite leur capacité à financer des services publics essentiels tels que l’éducation et la santé. De nombreux États utilisent une part importante de leurs revenus pour rembourser les intérêts de la dette, au détriment des investissements productifs.
Explosion démographique
Avec une population qui devrait atteindre 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, l’Afrique fait face à un défi d’envergure. Une telle croissance impose une forte pression sur les infrastructures, notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé. De plus, le marché de l’emploi peine à absorber ce boom démographique. Cette croissance engendre un chômage élevé chez les jeunes et favorise l’exode rural ainsi que les flux migratoires.
Insécurité énergétique
L’accès à une énergie fiable demeure un enjeu critique. Plus de 50 % des Africains n’ont pas accès à une énergie stable. Selon les estimations de l’ONU, combler ce déficit nécessiterait environ 190 milliards USD annuellement, soit près de 6 % du PIB continental.
Fracture numérique
L’Afrique accuse un retard important en matière de technologie et de numérisation. Par exemple, le coût moyen d’Internet sur le continent est cinq fois plus élevé que la moyenne mondiale, rendant son accès difficile pour la majorité de la population. Seulement 37 % des Africains ont une connexion Internet, ce qui limite les opportunités économiques et la compétitivité des entreprises locales.
Dérèglement climatique
Bien que l’Afrique ne soit responsable que de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, le continent subit de plein fouet les effets du changement climatique. En 2022, plus de 110 millions de personnes ont été affectées par des catastrophes climatiques, engendrant des pertes estimées à 8,5 milliards USD. L’agriculture, qui constitue la base de nombreuses économies africaines, est particulièrement vulnérable aux aléas climatiques.
Mesures préconisées pour améliorer la résilience
Développer le commerce intra-africain
Le commerce intra-africain représente une opportunité majeure pour la croissance du continent, mais reste encore sous-exploité. Actuellement, ce secteur ne représente que 16 % du commerce total. Tandis que plus de la moitié des échanges africains sont concentrés avec seulement cinq économies extérieures. Cette dépendance limite les perspectives de développement et freine la transformation industrielle locale.
Les marchés régionaux offrent pourtant une alternative prometteuse. Commercer au sein des blocs économiques africains est bien moins coûteux que les échanges intercontinentaux. Cependant, plusieurs obstacles persistent, notamment :
- Les barrières non tarifaires
- La lourdeur des procédures douanières
- Le manque d’infrastructures adaptées, en particulier dans les domaines du transport et de l’énergie.
Ces défis freinent les échanges et empêchent les économies africaines d’exploiter pleinement leur potentiel. Malgré ces entraves, certains signaux sont encourageants. Par exemple, 61 % des exportations intra-africaines concernent des biens transformés ou semi-transformés, ce qui démontre un début de diversification économique.
En outre, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait être un véritable catalyseur d’intégration et de dynamisation du commerce régional. Pour y parvenir, il est essentiel de réduire les coûts commerciaux, de simplifier les formalités douanières et d’investir massivement dans les infrastructures.
Améliorer l’environnement des affaires
Un climat des affaires plus favorable est une condition essentielle pour garantir la résilience économique du continent. Si l’Afrique attire de plus en plus d’investissements grâce à son fort potentiel de croissance, les PME se heurtent encore à de nombreux défis structurels. Ces entreprises, avec 80 % des emplois du continent, souffrent notamment d’un accès limité au financement. En 2023, 32 % d’entre elles estimaient que cette contrainte freinait leur expansion.
Un autre facteur d’instabilité est la volatilité des devises. Cette dernière complique les échanges commerciaux et rend les investissements plus risqués. Par ailleurs, la forte dépendance aux énergies fossiles expose l’économie africaine aux fluctuations des marchés énergétiques mondiaux. Pour l’instant, l’investissement dans les énergies renouvelables reste insuffisant. En 2023, seulement 15 milliards USD ont été consacrés à ce secteur en Afrique, soit à peine 2,3 % des investissements mondiaux.
Certains pays, cependant, montrent la voie à suivre. Le Botswana, le Maroc et l’Afrique du Sud ont su mettre en place des réglementations stables, diversifier leurs économies et renforcer leur gouvernance. Ces stratégies ont permis de mieux résister aux chocs extérieurs. De plus, l’adoption du Protocole sur l’investissement de la ZLECAf en 2023 encourage les investissements intra-africains, finançant ainsi 20 % des projets internationaux dans les services et l’industrie manufacturière.