Le Naira (NGN), monnaie nationale du Nigéria, est confronté à une dévaluation constante. Cette dépréciation aggrave l’instabilité économique du pays et peut également avoir des impacts, bien que minimes, à l’échelle du continent.
Comprendre la dépréciation de la monnaie nigériane
En seulement 51 ans, le Naira, la monnaie de la plus grande économie d’Afrique, a perdu 99,96 % de sa valeur. Cette dépréciation constante découle de plusieurs facteurs, notamment de la pénurie persistante de dollars dans le système financier du Nigéria. Parmi les autres facteurs clés figurent une gestion peu efficace et un déséquilibre de la balance commerciale. La diminution des revenus pétroliers, une ressource clé pour l’économie nigériane, contribue particulièrement à la baisse des devises.
Réforme des taux de change
Dans un contexte de forte dépréciation du Naira, le Nigéria entreprend des réformes visant principalement à unifier les taux de change qui sont actuellement segmentés. Cette initiative aurait dû être lancée dès les premiers signes de dévaluation significative de la monnaie locale. Cependant, l’exécutif précédent a hésité à agir, craignant les répercussions sur le niveau de vie des Nigérians en raison de la hausse des prix des importations.
La Banque centrale du Nigeria (CBN) joue un rôle majeur dans cette initiative, en intervenant sur le marché des changes pour augmenter les liquidités. L’institution met également en œuvre des mesures de resserrement monétaire pour stabiliser la valeur de la devise locale. La CBN a également éliminé le plafonnement des taux de change et autorise des limites basées sur le marché pour garantir la transparence.
Cette politique vise à encourager des taux de change dictés par le marché, ce qui pourrait entraîner une concurrence accrue en matière de prix pour les transferts d’argent internationaux. Malgré les efforts, le Naira continue de perdre constamment de sa valeur, ce qui maintient l’écart entre les taux de change officiel et parallèle.
Baisse des revenus pétroliers
Le Nigéria est fortement dépendant de son secteur pétrolier, contribuant à hauteur de 5,67 % de son PIB en 2022 selon le bureau national des statistiques (NBS). La filière du pétrole au Nigéria représente environ 90 % des exportations nationales, constituant ainsi une source majeure de devises étrangères. Malgré la hausse du cours de cet or noir entre 2021 et 2022, le pays enregistre une faible production pétrolière. Cette baisse des revenus impacte directement les réserves de devises et les recettes fiscales, déjà préoccupantes.
Conséquences de la dévaluation du naira
La chute du naira au Nigeria engendre des répercussions socio-économiques préjudiciables. La pénurie de devises étrangères entrave les importations essentielles, contribuant ainsi à une augmentation des prix et de l’inflation. Cette dépréciation affecte directement les entreprises et les ménages, se traduisant par des coûts en hausse et une diminution du pouvoir d’achat. En outre, l’inflation aggrave la disparité socio-économique, accentuant la vulnérabilité des populations les plus défavorisées.
Baisse de la valeur des actions
La chute de la valeur du Naira engendre la baisse du marché boursier nigérian. Dans un climat d’incertitude et de volatilité des marchés, de nombreux investisseurs sont contraints de retirer leurs fonds. Les startups nigérianes, qui lèvent des fonds en USD mais réalisent des revenus en NGN, subissent particulièrement les conséquences. La dévaluation de la monnaie nationale augmente leurs coûts tout en réduisant leurs bénéfices.
Le 18 mars 2024, la Commission nationale des pensions indique que la dévaluation du naira provoque une diminution de 56,8 % de la valeur des actifs des fonds de pension en dollar sur une année. Dès fin janvier 2024, cette valeur s’établit à 14,4 milliards USD, comparativement à 33,3 milliards USD durant la même période l’année précédente. En outre, le nombre de comptes d’épargne retraite (CER) augmente de 3,36 % entre janvier 2023 et janvier 2024, passant de 9,89 millions à 10,22 millions de comptes.
Franc CFA : Devise prisée au Nigéria
Face à l’effondrement du naira, le Franc CFA est devenu une devise de choix pour de nombreux Nigérians. La valeur du Franc CFA face à la monnaie nigériane s’est appréciée, atteignant 2,18 NGN pour 1 franc CFA selon la Banque centrale du Nigeria. Cette situation conduit à une augmentation de la demande de francs CFA dans le pays. Les bureaux de change ont également commencé à accepter des transactions en utilisant cette monnaie.
L’appréciation du franc CFA présente des opportunités intéressantes pour les investisseurs de la zone franc. Cependant, une évaluation prudente des risques est essentielle dans ce contexte. Les spécialistes affirment que la persistance de la dévaluation du Naira engendre d’importantes conséquences tant pour l’économie locale que pour l’ensemble des nations de la CEDEAO.
Perspectives futures et solutions possibles
Face à cette dévaluation, le Nigeria a besoin de réformes structurelles profondes et une volonté politique déterminée. L’application de politiques monétaires visant à maîtriser l’inflation pourrait contribuer à stabiliser le naira. Cela implique notamment des ajustements tels que l’augmentation des taux d’intérêt ou la modulation de la masse monétaire.
En outre, le Nigeria devrait accroître ses réserves de devises pour consolider la stabilité de sa monnaie, en concluant des accords avec d’autres nations ou explorer de nouveaux marchés. Toutefois, ce pays devrait diversifier son économie, réduire sa dépendance aux importations en s’inspirant des politiques des années 80. L’économiste Aliyu Audu souligne l’importance de renforcer les entreprises locales telles que Innoson Motors.
L’utilisation des véhicules fabriqués localement peut réduire les importations. La consommation locale s’inscrivant dans une démarche d’industrialisation est également recommandée. À titre d’exemple concret, l’inauguration de la raffinerie Dangote pourrait, à long terme, contribuer à réduire la dépendance du Nigeria à l’égard des importations de produits raffinés.
