L’Afrique est un pourvoyeur important de talents et d’athlètes à l’échelle mondiale. Malgré son potentiel indéniable, l’industrie du sport ne contribue que marginalement au produit intérieur brut (PIB) du continent, représentant moins de 1 %.
Paysage de l’industrie du sport en Afrique
L’industrie sportive au sens large comprend les athlètes, les infrastructures spécialisées, les droits médiatiques, le sponsoring ainsi que les ventes de produits dérivés. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ce secteur représente environ 1 200 milliards EUR, soit quasiment 2 % du PIB mondial.
Cependant, la grande majorité de cette valeur est concentrée en Amérique du Nord et en Europe, laissant certaines régions du monde en marge. En ce qui concerne l’Afrique, la part de la richesse sportive dans le PIB est estimée à 0,5 %. Toutefois, la contribution de ce secteur dans l’économie africaine devrait croître de 8 % au cours des trois à cinq prochaines années.
Sport : Enraciné dans la culture africaine
Le sport occupe une place fondamentale au sein de nombreuses cultures et traditions africaines. Ces héritages culturels sont variés et reflètent la diversité ethnique du continent. Par exemple, les navétanes au Sénégal ou encore les rites de passage de l’adolescence à l’âge adulte. Le jukskei, le nzango, l’awalé ou les différentes formes de lutte sont autant de sports authentiquement africains.
Les sports traditionnels sont non seulement une source de divertissement, mais aussi des outils d’éducation, d’intégration sociale et de transmission de valeurs culturelles. Les sports modernes, quant à eux, sont principalement influencés par le football, le basketball ou encore l’athlétisme.
Ce sont des vecteurs de fierté nationale et internationale, permettant à l’Afrique de briller sur la scène mondiale. En outre, le continent fournit une importante source de talents pour les ligues de football européennes. Plus de 500 joueurs africains sont actuellement sous contrat dans des grandes ligues européennes, d’après les données de KPMG.
Déficit d’investissement et de structuration des filières sportives
La faible contribution de l’industrie sportive au PIB de l’Afrique s’explique notamment par le manque d’engagement des grands acteurs et d’investissements financiers. Cette situation découle essentiellement de la dévalorisation et de l’immaturité du marché du sport africain.
Par ailleurs, la majorité des pays africains ne possèdent pas de cadre juridique et réglementaire pour l’industrie sportive, ce qui décourage les investisseurs privés. Ainsi, l’État reste le principal financeur de ce secteur et peine à développer cet écosystème prometteur.
Néanmoins, l’Afrique comptabilise plusieurs projets d’investissement de grande ampleur :
- stade du Sénégal, d’une valeur de 238 millions USD
- création de la Caf Champions League, avec des dotations de 100 millions USD
- investissement de 120 millions USD d’un conglomérat égyptien dans l’académie de football Right to Dream
- implantation de Decathlon, avec un investissement de plusieurs millions USD et une croissance annuelle impressionnante.
Émergence de l’économie du sport en Afrique
Le sport génère des emplois pour les jeunes et retient les talents en Afrique. Pour cela, il faut investir des centaines de millions dans les médias sportifs, particulièrement les services de streaming. Toutefois, seulement 1 % des fonds mondiaux de sponsoring sportif va vers le continent. Malgré ce faible taux, certains investisseurs, comme la SFI et Proparco, misent sur le potentiel du secteur. La Basketball Africa League, valorisée à 1 milliard USD, réussit à mobiliser plus de 100 millions USD auprès d’investisseurs africains et étrangers, dont le milliardaire Tunde Folawiyo.
Importance du droit de naming et partenariats
Masai Ujiri, président du Toronto Raptors, souligne la nécessité d’investissements et moins de charité pour développer le secteur sportif en Afrique. Cette personnalité met en avant l’importance des contrats de naming et la forte demande pour divers événements dans les infrastructures sportifs.
Illustrant son propos, M. Ujiri cite le contrat de naming des Toronto Raptors. La Scotiabank verse 800 millions USD sur 10 ans pour donner son nom à leur stade. Cet accord rend la Scotiabank Arena indisponible pour toute réservation avant deux ans, témoignant de son succès. Le Rwanda suit cet exemple avec la Kigali Arena, rebaptisé Bank of Kigali Arena après un contrat de sponsoring de 8 millions USD sur six ans.
En 2018, l’équipe nationale de football du Nigéria et Nike vendent plus de 3 millions de maillots en une heure, grâce à un design inspiré des tenues traditionnelles. Ce succès montre que les Africains sont prêts à dépenser pour consommer des produits culturels ancrés dans leurs racines.
Dynamiser le sport : L’impératif d’un modèle authentiquement africain
Développer l’industrie du sport en Afrique nécessite une approche authentique, comme le soutient Constant Nemale, fondateur d’Africa24. Ce modèle doit s’appuyer sur les forces uniques du continent et exige de réunir plusieurs conditions. Pour y parvenir, le rapport intitulé « Économie du sport en Afrique » publié par l’African Sports and Creative Institute (ASCI) suggère 16 recommandations réparties en trois catégories.
- Rendre l’éducation primordiale
L’Afrique possède un avantage majeur, son capital humain, c’est-à-dire sa population jeune et dynamique. Pour tirer pleinement parti de ce potentiel, il est crucial de prioriser l’éducation. En investissant dans la formation et le développement des compétences, on peut améliorer les capacités et les talents de cette population.
- Collecte de données pour améliorer l’analyse du marché et les décisions stratégiques
Le manque de données entrave la compréhension du marché sportif et la prise de décisions stratégiques. Pour remédier à cela, il est essentiel de former et d’informer les acteurs du secteur sur la collecte et l’analyse des données pertinentes.
- Professionnaliser le sport de masse, principal générateur de revenus
Contrairement aux idées reçues, la majorité des revenus sportifs provient du sport de masse. Il est donc essentiel d’en faire le pilier économique de cette industrie, en le considérant comme un produit commercial.