L’Afrique enregistre une performance remarquable en matière de paiements instantanés avec 49 milliards de transactions traitées en 2023 pour un total de 1 036 milliards USD. Cette observation provient d’une étude réalisée par AfricaNenda, en collaboration avec la Banque mondiale et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies. Malgré ces chiffres impressionnants, aucun système sur le continent n’a encore atteint une maturité d’inclusivité.
Croissance rapide et des défis structurels persistants
Entre 2019 et 2023, le volume des transactions par SPI progresse en moyenne de 37 % par an, tandis que la valeur augmente de 39 % annuellement. Cette tendance illustre l’adoption rapide de ces systèmes par les populations et les entreprises. Cependant, sur les 31 systèmes actifs en 2024, aucun ne remplit pleinement les critères d’inclusivité, un paramètre essentiel pour garantir l’accessibilité à tous.
Au total, l’Afrique compte 28 systèmes nationaux et 3 systèmes régionaux en 2024. Parmi ces initiatives figurent le Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), GIMACPAY de la zone Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et TCIB de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADEC). En outre, deux nouveaux systèmes voient le jour récemment et sont KWiK en Angola et Le Switch au Lesotho. Parallèlement, trois plateformes sont exclues du recensement faute de répondre aux critères de disponibilité et de fonctionnalité, notamment SYRAD de Djibouti et NamPay de Namibie.
Répartition et diversité des modèles
Les solutions de transfert d’argent en temps réel sur le continent se répartissent en quatre groupes :
- les systèmes multi-domaines favorisant l’interaction entre comptes bancaires et portefeuilles mobiles, dominent avec 14 plateformes.
- les systèmes spécifiques à l’argent mobile : 9 plateformes recensées.
- les systèmes bancaires : qui sont actuellement 7.
- les systèmes reposant sur une monnaie numérique de la Banque centrale : un seul qui est le eNaira du Nigeria.
Les SPI d’argent mobile, malgré un volume supérieur de transactions, restent en retrait en termes de valeur totale traitée. Les transactions de personne à personne (P2P) constituent la norme adoptée par l’ensemble des systèmes répertoriés. En revanche, seuls 24 systèmes permettent des paiements de personne à entreprise (P2B) et 12 autorisent les paiements de personne à gouvernement (P2G). Les paiements transfrontaliers et ceux de gouvernement à personne (G2P) demeurent limités à 6 plateformes chacun.
Technologie : moteurs et obstacles
L’utilisation des applications mobiles prédomine dans 30 systèmes recensés. Ces outils offrent une expérience personnalisée et adaptée aux besoins des utilisateurs. En parallèle, les protocoles USSD, accessibles sur des téléphones basiques, sont employés par 23 systèmes.
Cependant, cette technologie souffre de problèmes de sécurité, notamment l’absence de cryptage des messages. D’autres canaux comme les agents bancaires, les codes QR et la communication en champ proche (NFC) restent marginalement adoptés. L’accès universel à des services fiables et sécurisés dépend donc de la diversification technologique et de l’optimisation des infrastructures existantes.
Inclusion financière : des avancées et des limites
Le Ghana, seul pays avec une interopérabilité complète de ses systèmes, se distingue dans un paysage fragmenté. Neuf systèmes sur le continent montrent des progrès vers une inclusivité accrue, dont Mobile Money Interoperability au Ghana et GIMACPAY en Afrique centrale.
Ces plateformes tendent vers un modèle idéal alliant coûts réduits et couverture élargie des cas d’utilisation, à l’image du système de paiement instantané bientôt en vigueur dans la zone de l’UEMOA. Toutefois, une majorité des systèmes reste à un niveau de base, se limitant souvent à un canal principal ou à des fonctionnalités minimales. L’accessibilité aux populations rurales, généralement exclues des services numériques sophistiqués, représente un défi majeur pour atteindre une inclusion financière équitable.
Progrès vers une inclusivité mature
Avec 27 pays en phase de préparation pour lancer leurs propres systèmes, le nombre de plateformes actives pourrait doubler d’ici quelques années. Cette évolution vise à enrichir l’éventail de services et à renforcer l’accès aux outils financiers numériques. Cependant, l’accent devra être mis sur des critères comme l’interopérabilité, la sécurité des données et des coûts abordables pour garantir une adoption généralisée.
L’harmonisation des cadres réglementaires à l’échelle continentale pourrait jouer un rôle clé dans l’amélioration des performances des systèmes de paiement instantané. Des partenariats stratégiques entre gouvernements, institutions financières et acteurs technologiques semblent indispensables pour surmonter les défis actuels.