Malgré ses 6 200 milliards USD de richesses naturelles, l’Afrique reste riche en ressources vertes mais pauvre en liquidités. Les projections montrent que si la gestion du carbone à elle seule avait été prise en compte, le PIB nominal de l’Afrique en 2022 aurait pu augmenter de 66,1 milliards USD. En Europe, les prix du carbone peuvent atteindre 200 USD la tonne, alors que les mêmes crédits sont échangés pour seulement 3 à 10 USD la tonne en Afrique.
Reconnaître le capital naturel comme partie intégrante de la richesse économique
Lors de la 29e Conférence des Parties (COP29) à Bakou, en Azerbaïdjan, les dirigeants africains réclament une évaluation équitable des richesses naturelles du continent. Notamment, de vastes forêts, des capacités de sauvegarde du carbone et des services écosystémiques.
Ils appellent les autorités à les prendre en compte dans le calcul du Produit intérieur brut (PIB). Cette mesure audacieuse vise à redéfinir la richesse à l’échelle mondiale en intégrant l’immense valeur des ressources naturelles de l’Afrique dans les cadres économiques.
Dans un communiqué, les chefs d’État africains citent les contributions inestimables de leurs écosystèmes aux biens publics mondiaux. « Nous faisons un travail utile pour l’Afrique et le reste du monde », a souligné le Président de la République du Congo, Denis Sassou Nguesso, soulignant la nécessité de reconnaître le capital naturel comme partie intégrante de la richesse d’une économie.
La valeur des richesses naturelles de l’Afrique
La richesse naturelle de l’Afrique est estimée à des milliers de milliards de dollars. Soit bien plus que le PIB de bon nombre de ses pays. Un rapport de la BAD fait état de cette disparité : en 2018, le PIB de l’Afrique s’élevait à 2 500 milliards USD, un chiffre éclipsé par son capital naturel estimé à 6 200 milliards USD.
Malgré cette abondance, le continent reste « riche en ressources vertes mais pauvre en liquidités », comme l’a souligné le président de la BAD, le Dr Akinwumi Adesina. Les estimations préliminaires indiquent que si la conservation du carbone à elle seule avait été prise en compte, le PIB nominal de l’Afrique en 2022 aurait pu augmenter de 66,1 milliards USD, soit une somme supérieure au PIB combiné de 42 pays africains.
La question n’est donc pas de savoir si l’Afrique est riche, mais pourquoi cette richesse naturelle ne se reflète pas dans les mesures économiques mondiales.
Crédits carbone : une arme à double tranchant
Alors que les forêts africaines jouent un rôle essentiel dans l’absorption des émissions mondiales de carbone, le continent continue de se livrer à des pratiques d’exploitation sur les marchés du carbone. Lors des négociations de la COP29, les dirigeants expriment leurs inquiétudes concernant ce que le Dr Adesina a décrit comme un « accaparement du carbone », où les nations africaines vendent des crédits carbone à une fraction de leur valeur.
En Europe, les prix du carbone peuvent atteindre 200 USD la tonne, alors que les mêmes crédits sont échangés pour seulement 3 à 10 USD la tonne en Afrique. Cette sous-évaluation flagrante pénalise les pays africains et les prive de leur souveraineté sur les terres allouées à la gestion du carbone. Le président de la BAD a averti que cette pratique représente une « situation perdant-perdant » pour l’Afrique, tant sur le plan économique qu’environnemental.
L’alliance mondiale pour la comptabilité du capital naturel
Pour remédier à ces inégalités, les dirigeants africains proposent de forger une alliance mondiale avec d’autres régions. Notamment l’Amérique latine, l’Asie et les Caraïbes, pour défendre l’inclusion du capital naturel dans les mesures du PIB.
Le Président rwandais Paul Kagame renforce cette vision : « Nous ne demandons pas d’aumônes, mais que le monde paie pour quelque chose qui a une valeur inestimable pour nous tous ». Le Président kényan, Dr William Ruto a partagé des sentiments similaires. Il note que la reconnaissance de la richesse verte de l’Afrique pourrait débloquer les flux financiers et améliorer les notations de crédit, stimulant ainsi les investissements indispensables dans les économies africaines.
Le chemin de l’Afrique vers la justice économique
Les discussions de la COP29 marquent un tournant décisif dans la quête de justice économique de l’Afrique. Pendant des décennies, les contributions de l’Afrique à la durabilité mondiale ont été méconnues. Ses ressources sont sous-évaluées et ses économies contraintes par des indicateurs de croissance obsolètes.
Les dirigeants africains mettent la communauté internationale au défi de repenser la manière dont la richesse est mesurée en plaidant pour l’inclusion du capital naturel dans les calculs du PIB. Cet effort ne concerne pas seulement l’Afrique : c’est un appel à un système économique mondial plus équitable qui valorise la durabilité et reconnaît la valeur intrinsèque des écosystèmes naturels.
L’intégration du capital naturel dans le calcul du PIB pourrait transformer le discours économique de l’Afrique. En valorisant ses richesses naturelles, le continent peut attirer des investissements, améliorer sa cote de crédit et s’assurer que ses ressources sont exploitées au profit de sa population.