Le Mozambique a récemment déclaré son intention d’appliquer la fiscalité sur l’économie numérique dès 2024. Cette démarche soulève une problématique complexe pour de nombreux pays africains. Par contre, si ces nations arrivent à mettre en œuvre efficacement ces mesures fiscales, leur économie en tirera profit.
Développement de l’économie numérique en Afrique
L’essor de l’économie numérique en Afrique est un phénomène majeur qui s’étend rapidement sur tout le continent. Reconnue comme un levier de croissance et d’emploi par la Banque Mondiale, la transition numérique est au cœur des activités de nombreux acteurs internationaux en Afrique.
Cette extension est portée par plusieurs facteurs clés, principalement l’augmentation de l’accès à l’internet mobile. Malgré une fracture numérique persistante, la couverture internet s’étend de plus en plus, notamment grâce aux efforts des gouvernements et de divers partenaires internationaux.
L’initiative Smart Africa, un projet de l’Union africaine, est également un facteur clé au développement de l’économie numérique du continent. Ce programme vise à favoriser le développement numérique en créant un marché unique numérique en Afrique. En outre, les efforts de formation et d’innovation technologique stimulent le commerce numérique intra-africain.
Digitalisation de l’économie
La modernisation numérique de l’économie renvoie à l’intégration et à l’utilisation croissante des technologies numériques dans tous les secteurs économiques. Ce processus transforme les modes de production, de distribution et de consommation des biens et services. Ce concept a également un impact sur le travail, l’emploi et les compétences requises.
En Afrique, cette numérisation est notamment portée par l’explosion de la téléphonie mobile et des services financiers mobiles, l’essor des plateformes collaboratives et de commerce électronique. L’économie numérique est également favorisée par diverses initiatives visant à tirer parti des innovations technologiques pour stimuler l’industrie, le commerce et les services financiers.
Métiers de l’économie numérique
L’économie numérique englobe une multitude de métiers dans différents secteurs. À la base, on trouve les métiers de l’informatique tels que développeur d’applications, administrateur de systèmes d’information ou encore spécialiste en cybersécurité. Le commerce électronique ouvre également de nombreuses opportunités avec des postes de webmarketer, traffic manager ou encore chef de projet e-commerce.
Le secteur de la téléphonie mobile et de la fintech requiert des compétences telles qu’architecte réseau mobile, chef de projet mobile ou responsable de la monétisation mobile. Il faut aussi noter l’émergence de nouveaux métiers liés à l’intelligence artificielle et à la blockchain.
Trois piliers et éléments qui caractérisent l’économie numérique
L’économie numérique repose sur trois piliers essentiels interdépendants :
- Le pilier technologique : ce facteur concerne tous les aspects techniques qui permettent le fonctionnement de l’économie numérique. Cela inclut les technologies de l’information et de la communication (TIC), le codage, le stockage, le traitement et la transmission des données. Ce pilier est une source constante d’innovation, avec l’émergence de nouveaux produits et services numériques.
- Le pilier organisationnel : se rapportant à la manière dont les entités adaptent leurs structures et leurs processus internes pour tirer parti des opportunités offertes par le numérique. C’est ici que se joue la transformation digitale.
- Le pilier culturel : intrinsèquement lié à l’évolution des attitudes et des comportements vis-à-vis du numérique, englobe aussi bien les individus que les organisations. L’adoption et l’utilisation généralisée des technologies numériques dépendent de la dynamique instaurée par ce pilier culturel.
Impact de la digitalisation sur l’économie
La révolution numérique représente une solution idéale pour atténuer les disparités fiscales, permettant ainsi de ne plus dépendre des bailleurs de fonds étrangers pour soutenir l’économie. La numérisation des services publics permet une perception plus efficace des impôts. Une collecte efficiente, réduisant l’évasion fiscale et favorisant le respect des régulations fiscales, peut accroître considérablement la génération de revenus.
Il convient de savoir que l’Afrique enregistre une perte annuelle de 60 milliards USD en raison de la non-numérisation de la collecte des impôts et des sorties financières illicites. Le rapport « Les envois de fonds statutaires en Afrique » du Bento Report, examinant les systèmes fiscaux de 53 pays africains, souligne cette réalité. Selon le PDG de Bento, ce montant perdu dépasse l’aide étrangère au développement reçue par le continent.
Fiscalité numérique pour le secteur informel
La fiscalité est un processus complexe qui nécessite un examen attentif pour développer un système efficace, équitable et durable. C’est pourquoi la collecte numérique des impôts reste le meilleur moyen de maximiser le secteur. Cela est particulièrement vrai pour le secteur informel en Afrique, qui comprend des activités économiques en dehors de la réglementation et de la supervision gouvernementales.
Les impôts n’y sont pas retenus à la source sur les revenus, contrairement aux salaires. Cependant, le secteur informel constitue une opportunité inexploitée pour la mobilisation des ressources intérieures (DRM). Le défi majeur réside dans la transparence et la responsabilité, car de nombreux Africains se questionnent sur l’utilisation de leurs impôts.
Taxation pour stimuler les recettes publiques
Les systèmes fiscaux de nombreux pays africains ne parviennent pas à générer suffisamment de recettes pour couvrir les besoins nationaux, notamment l’éducation, la santé, les infrastructures et la défense. Cette lacune résulte principalement de l’incapacité à intégrer le vaste secteur informel dans le système fiscal.
Le secteur informel doit jouer un rôle significatif dans la mobilisation des ressources intérieures. L’absence d’exploitation de cette opportunité prive les pays africains de capitaux provenant d’un secteur touchant 85 % de la population, 90 % en Afrique subsaharienne. Cette situation compromet la capacité des nations africaines à financer efficacement leurs services publics essentiels.
Les systèmes fiscaux défaillants ont contraint plusieurs pays à solliciter l’aide de leurs homologues occidentaux. Toutefois, avec le ralentissement économique mondial, les nations africaines ne peuvent plus dépendre des emprunts étrangers pour atténuer leurs difficultés économiques.
Loi et initiative de régulation de l’économie numérique
Seuls l’Éthiopie et le Rwanda ont trouvé un moyen de collecter numériquement les impôts du secteur informel. Leur plateforme électronique de déclaration et de recouvrement des impôts témoigne de la transformation efficace de la collecte fiscale. Simultanément, de nombreux pays africains s’emploient activement à la numérisation de leur service administratif.
Initiative TVA directe en collaboration avec MATAN
En juillet 2023, le Federal Inland Revenue Service (FIRS) du Nigeria a annoncé un partenariat avec la Market Traders Association of Nigeria (MATAN). MATAN compte plus de 40 millions de commerçants membres répartis dans 774 gouvernements locaux, 36 États et le Territoire de la capitale fédérale (FCT). Cette collaboration, l’initiative TVA directe, vise à collecter et reverser la taxe sur la valeur ajoutée auprès de leurs membres via un système unifié. Le dispositif cible notamment ceux du secteur informel.
Malgré l’incertitude des résultats de cette collaboration, l’initiative TVA directe vise à minimiser la taxation multiple. Ce système a également pour objectif de dissuader les collecteurs illégaux et de renforcer la sécurité dans les secteurs informels. À terme, ce partenariat élargira le spectre fiscal, améliorant ainsi les recettes étatiques et des collectivités locales.
Recos Bento : exemple de solution pour fiscalité informelle
L’expérience de l’Éthiopie et du Rwanda souligne l’efficacité des solutions technologiques peut réduire l’écart fiscal. La création d’une base de données exhaustive des acteurs du secteur informel est préconisée, essentielle pour une gestion budgétaire éclairée. L’adoption du logiciel Bento constitue une solution pour les gouvernements africains. Ce logiciel permet de générer et de soumettre électroniquement les déclarations fiscales et les paiements, soulageant ainsi la charge administrative.
Taxation de l’e-commerce en Mozambique
Lors des quatrièmes Journées scientifiques de l’Autorité fiscale mozambicaine, Carla Louveira, vice-ministre de l’Économie et des Finances, annonce que le pays prévoit d’instaurer une taxe sur l’économie numérique dès 2024. Cette mesure s’inscrit dans un contexte africain plus large, visant à taxer l’e-commerce et optimiser la collecte des impôts, notamment dans le secteur informel.
Contexte de la taxation numérique
Carla Louveira a souligné l’impact significatif de l’économie numérique sur le système fiscal national, en particulier dans les domaines du commerce électronique, des opérations de portefeuille mobile et de la surveillance des activités financières. Le rapport de la GSMA intitulé « Mobile Money agents: sustainability in a digital era – Findings from Mozambique », en 2019 dévoilent des informations pertinentes :
- 29 % des adultes mozambicains possédaient un compte mobile, soit une hausse de 3 % par rapport à 2014.
- 54 % des adultes utilisaient les services d’argent mobile dans les zones urbaines
- 13 % des adultes utilisaient les services d’argent mobile en milieu rural.
Le rapport souligne que les données de 2022 devraient considérablement augmenter, reflétant la rapide expansion du marché de l’argent mobile et du secteur informel dans le pays. Pour accompagner cette croissance, une unité spécialisée dans la fiscalité de l’économie numérique a été créée au sein de l’Autorité fiscale. En novembre 2023, une évaluation préliminaire a été menée, mettant particulièrement l’accent sur la régulation et la taxation des transactions en ligne dans le domaine du tourisme.