L’Afrique subit de fortes pertes liées au changement climatique, mais les fonds verts alloués demeurent insuffisants, selon le ministre namibien de l’environnement. Cette observation a été émise lors d’un dialogue régional du Fonds vert pour le climat à Windhoek, la capitale namibienne.
Éclairage sur les fonds verts
Le Fonds vert pour le climat constitue un mécanisme financier mondial établi en vertu de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Ce soutien financier se consacre principalement aux pays en développement pour l’atténuation et l’adaptation du changement climatique. Les programmes bénéficiaires comprennent généralement des projets verts axés sur l’atténuation carbone, la transition énergétique et l’inclusion.
Indispensable pour les objectifs climatiques africains
Les pays africains se fixent des objectifs ambitieux pour développer des économies plus vertes et résilientes face aux changements climatiques. Les objectifs climatiques ont été exposés dans leurs Contributions Déterminées au niveau National (CDN), en conformité avec l’Accord de Paris sur le climat. Malgré leur volonté, la réalisation de ces engagements dépend largement de l’obtention de soutiens financiers. En d’autres termes, les nations africaines ont besoin du fonds vert et d’un soutien technique pour concrétiser des actions en faveur du climat.
L’atténuation et l’adaptation du dérèglement climatique sur l’ensemble du continent constitue une priorité absolue. Les fonds verts sont cruciaux pour concilier le développement avec les objectifs climatiques, notamment la limitation du réchauffement de la planète à 1,5° C au maximum. Cependant, les financements verts disponibles restent insuffisants par rapport aux besoins liés à l’adaptation au changement climatique. Mme Shifeta, ministre de l’environnement de la Namibie, a souligné de manière significative le rôle central des pays développés dans la transition climatique en Afrique. En effet, ces nations portent une part de responsabilité dans le changement climatique actuel sur le continent, d’où la mise en place d’une redevance carbone.
Pertes et préjudices du changement climatique
L’injustice climatique frappe l’Afrique, marquée par des catastrophes météorologiques. Fin 2022 et début 2023, une sécheresse dévastatrice sévit dans certaines régions du nord du Kenya et de la Corne de l’Afrique. Des organisations humanitaires, ainsi que les gouvernements nationaux et régionaux, mobilisent des centaines de millions de shillings kényans pour acheter et distribuer des denrées alimentaires. Par ailleurs, les catastrophes liées au changement climatique entraînent des coûts annuels compris entre 7 et 15 milliards USD pour les pays d’Afrique subsaharienne. D’ici 2030, ces pertes pourraient atteindre 50 milliards USD par an en l’absence de mesures concrètes. Le continent doit ainsi mobiliser un fonds vert annuel de 124 milliards USD pour atténuer et s’adapter aux changements climatiques.
Outre les dommages matériels, ces phénomènes météorologiques entraînent des pertes en vies humaines. Les fortes pluies au Kenya en novembre, par exemple, ont entraîné le déplacement de milliers de personnes. Le changement massif et destructeur des masses d’eau continentales qui en résulte nuit à l’agriculture, à l’écosystème fragile et à une multitude de biodiversités en Afrique. Or, plusieurs nations africaines dépendent fortement du secteur agricole et du tourisme. D’ici 2030, la pénurie d’eau affecte 250 millions d’Africains et entraînera environ 700 millions de déplacés internes.
Vue d’ensemble du marché des finances vertes
La finance verte, avec des instruments de dette et de fonds propres, soutient l’économie circulaire. Les flux de financement viennent d’obligations ou d’institutions financières, avec des emprunteurs tels que les gouvernements et les entreprises.
Au cœur de la question du marché carbone
Contrairement à la redevance carbone, le financement vert issu de la justice climatique, le marché carbone divise les opinions en Afrique. Il implique l’échange de droits d’émissions, de crédits carbone et de quotas, suscitant des critiques pour du greenwashing. Certains leaders, dont le ministre namibien de l’environnement, le considèrent comme une fausse solution.
Certaines économies africaines, comme celle du Nigeria, demeurent très dépendantes des énergies fossiles, en tant que principal exportateur de pétrole brut en Afrique. Les pays développés influencent énormément ce marché en créant des demandes et en investissant dans l’exploitation des ressources fossiles, perpétuant ainsi cette dépendance. Bien que le marché du carbone puisse contribuer au verdissement de l’économie et à la transition énergétique, il maintient également les projets à forte émission de carbone.
Microfinance verte : une solution intelligente et inclusive
La microfinance verte peut stimuler les investissements climatiques du secteur privé en Afrique australe. Les fonds verts ne doivent pas se limiter à la macroéconomie, mais aussi au niveau micro, visant l’équilibre entre viabilité financière et durabilité environnementale. Cet investissement soutient des projets financièrement viables et respectueux de l’environnement, contribuant à réduire les émissions de carbone. Les bailleurs de fonds africains explorent les opportunités de la finance verte. Tandis que des institutions financières internationales comme la Banque Européenne d’Investissement (BEI) contribuent à accélérer la transition vers un secteur financier plus vert, numérique et inclusif.
Selon une enquête de la BEI, nous constatons les données suivantes à propos des banques en Afrique subsaharienne :
- 70 % perçoivent la finance verte comme une opportunité de prêt attrayante.
- 10 % ont adapté leurs produits à ce marché.
- 55 % intègrent activement le changement climatique dans leurs plans stratégiques
- 40 % emploient des spécialistes des énergies renouvelables.
- 70 % des banques africaines prêtant à des secteurs vulnérables tiennent compte des risques climatiques lors de l’instruction des projets d’investissement.
- 27 % ont modifié leurs conditions de prêt pour intégrer ces risques.
- 27 % aident leurs clients à faire face aux risques climatiques et à ajuster les investissements concernés.
COP28 : Accélérer les actions climatiques
Les forums récents analysent les résultats du sommet africain sur le climat, préparant la voie vers Dubaï. Lydia Zoungrana de Pathfinder International-Africa met en lumière le sort des femmes, particulièrement dans les zones rurales, appelant à des actions concrètes. Cette experte souligne la nécessité pour les pays développés de débloquer les fonds promis pour l’adaptation et la transition vers les énergies propres. Son rapport insiste également sur la priorité accordée aux femmes, aux jeunes et aux populations autochtones, les plus touchées par le changement climatique en Afrique.
Le directeur exécutif de l’Alliance panafricaine pour la justice climatique, Mwenda Mithika, souligne l’importance pour l’Afrique de définir ses priorités avant la COP28 à Dubaï. Ce spécialiste du climat exhorte à des réparations, à l’arrêt des combustibles fossiles, à des fonds pour l’adaptation, tout en remettant en question le marché des crédits carbone.